La gestion des ressources humaines n’est jamais aisée lorsqu’on compte des milliers d’employés, mais dans le cas de la Sécurité sociale, elle ressemble à un véritable calvaire. C’est en tout cas l’impression que donne la lecture du rapport annuel de la Cour des comptes : les organismes de Sécurité sociale (santé, famille, vieillesse, etc.) peinent à gérer leurs agents, plus souvent absents que la moyenne malgré un temps de travail inférieur.
Des effectifs en baisse. La Cour des comptes tient à rappeler les effectifs de la Sécurité sociale : après avoir sensiblement augmenté pendant des années, le nombre d’employés a reculé de 1,1% par an entre 2005 et 2015. Les effectifs ont été réduits de 17.720 postes (équivalent temps plein) pour être ramenés à 146.000 en 2015, une baisse plus importante que l’objectif assigné à la Sécurité sociale.
Cette baisse de la masse salariale s’explique avant tout par "la dématérialisation croissante des processus de gestion des activités" : les feuilles de soins papiers, qu’il fallait traiter une par une, sont progressivement remplacées par la Carte vitale, qui permet d’informatiser le transfert et le traitement des données de santé et des actes de soins. Mais rapidement, la Cour des comptes apporte un bémol : les effectifs ont-ils baissé dans les mêmes proportions que les gains de productivité permis par l’informatique ? Le manque de données disponibles empêche de répondre à cette question, regrette la Cour des comptes, qui attend "un pilotage plus fin des trajectoires d’effectifs".
Mais une durée du travail insuffisante. La suite du rapport est en revanche plus sévère pour les différents organismes de la Sécurité sociale. Car si "une rigueur accrue s’est manifestée" en matière de rémunération et de masse salariale, la gestion du temps de travail et de l’absentéisme laissent à désirer.
Premier reproche, le temps de travail des agents de la Sécurité sociale est un véritable mystère : "ni les organismes nationaux, ni l’UCANSS ne disposent en 2016 d’une connaissance précise du temps de travail effectif des agents employés par les organismes de base". La Cour des comptes a donc été obligé d’effectuer elle-même une estimation, qui n’est pas très reluisante : un agent à temps plein travaille en moyenne 1.540 heures par an. Problème : les agents du secteur public travaillent en moyenne une cinquantaine d’heures de plus (1.594 heures par an), un chiffre déjà en-deçà de la semaine de 35 heures qui correspond à 1.607 heures travaillées par an.
Et des absences trop nombreuses. La gestion de l’absentéisme pose aussi question : la Cour des comptes pointe un niveau plus élevé que la moyenne et une absence de gestion. "Bien qu’il s’agisse d’un sujet majeur, le niveau réel d’absentéisme selon ses différents motifs n’est pas mesuré précisément dans les régimes de Sécurité sociale. Ainsi, l’UCANSS attend depuis trois ans une mise à jour de son outil statistique.
La Cour des comptes a une nouvelle fois dû faire ses propres calculs pour arriver à la conclusion suivante : "le taux d’absentéisme, tous motifs confondus, s’élevait en 2014 à 8,9 %". Si on se concentre sur les seules absences pour ‘maladie’, le taux atteint 5,8 %, c’est-à-dire bien plus que dans le reste de la fonction publique (3,9%) et dans le secteur privé (3,7%). Les agents de la Sécurité sociale, à l’exception de ceux de l’Urssaf, sont donc plus souvent absents que le reste des travailleurs et certaines régions sont encore plus touchées :
"Le renforcement de la lutte contre l’absentéisme doit constituer une priorité beaucoup plus fortement affirmée par les organismes nationaux. Les initiatives récentes en ce domaine apparaissent en effet trop timides", en conclut la Cour des comptes, qui rappelle qu’elle avait déjà tiré la sonnette d’alarme en 2010. Ce temps de travail inférieur à la moyenne et ce fort absentéisme ne sont pas sans conséquences : les différents organismes de la Sécurité sociale sont ainsi privés de l’équivalent de 10.000 agents par an.
Quelles solutions ? Comme dans chacun de ses rapports, la Cour des comptes conclut son étude par une série de recommandations. La première d’entre elles est "le déploiement urgent d’une stratégie opérationnelle fondée sur une vision à moyen et à long terme qui fait aujourd’hui défaut". En clair, "une stratégie de modernisation à définir sans tarder" : mieux anticiper les départs à la retraite, la gestion des compétences ou encore les gains procurés par l’informatisation des tâches.
Le deuxième axe concerne la faible productivité des agents, que la Cour des comptes propose d’améliorer de plusieurs manières : alignement de la durée du travail sur la durée légale, lutte contre l’absentéisme, mise en place d’incitation financière pour ceux qui jouent le jeu.